Lorsque l’on donne la consigne «partagez un carré en quatre parties égales en forme et en surface», la quasi-totalité des individus proposent l’une de ces deux solutions :
Après un certain temps, ceux qu’on y force un peu, peuvent proposer ce type de solutions :
Mais très rares sont ceux qui, après beaucoup d’efforts trouvent ce genre de solution :
Que s’est-il passé ?
Lorsqu’un problème se pose, il y a (presque) toujours une tendance à rechercher la solution la plus facile, la plus simple. Cela est tellement évident que souvent nous n’imaginons même pas qu’il puisse exister d’autres solutions. Bien entendu les premières réponses ci-dessus sont pertinentes: elles répondent à la consigne, au problème posé. Habitudes. Évidences. Rapidité.
La dernière solution illustrée ci-dessus est tout autant pertinente. Mais elle est autre, elle est originale et singulière.
Nous avons tous appris et intégré depuis notre plus jeune âge, que d’une part la ligne la plus courte d’un point à un autre était la ligne droite et que d’autre part, il n’y a bien souvent qu’une seule réponse à un problème posé. Or, au-dessus et en dessous de la ligne droite, à sa gauche, à sa droite, il y a un espace infini. Appelons cet espace infini « le champ de l’originalité ». On peut y trouver une infinité de chemins différents, divergents… Ils sont plus longs certes, ils prennent plus de temps à être découverts et empruntés, et il y a toujours le risque de s’y perdre.
Des dizaines de fois par jour, nous cherchons des solutions pour répondre à nos questions, résoudre des problèmes, combler nos désirs: résoudre des équations mathématiques, chercher son chemin, gouverner un état, négocier, cuisiner avec les restes, rencontrer du monde, se soigner, chercher l’âme sœur, utiliser les nouvelles technologies, faire garder ses enfants, vouloir rire… Et (presque) toujours nous y allons au plus simple, au plus sûr : la ligne droite, les habitudes, les évidences…
Parce que c’est leur job et qu’ils y sont entrainés, la créativité est (en général) l’affaire des inventeurs, des créateurs, des ingénieurs, des designers, des artistes… et quelques fois des moments d’invention pour tout un chacun.
Qu’est-ce que le Coronavirus a à voir avec ça ?
Emprunter la ligne droite (l’évidence, l’habitude, la rapidité) n’est plus possible (au moins pour un temps). Nous sommes par la force des choses invités à explorer « le champ de l’originalité ». L’ennui (rester chez soi…) nous y emmène, les nouvelles interdictions (d’aller boire un coup, d’aller au concert, d’aller travailler…), les nouvelles invitations (garder ses enfants, donner son sang…) et les nouvelles obligations, nous font prendre de nouveaux chemins.
Gouverner, aller voir ses (grands)parents, occuper ses enfants, enseigner, utiliser les technologies, se nourrir, circuler… Les activités de l’homo sapiens vont être revisitées. Forcément.
Cela fonctionne(ra) par essais-erreurs. Dans les médias (sur les réseaux sociaux en particulier) , se dessine pour l’instant un immense brainstorming, une exploration de ce champ incertain. On y voit des égarements dans certains comportements (dans l’usage des magasins, les passages de frontières…) et c’est normal : l’erreur fait partie des apprentissages. Dans l’inconnu le chemin n’est pas fléché. On y voit aussi beaucoup d’humour, de réflexions, de recommandations, de questions…
Cet immense espace des (nouveaux) possibles concerne la plupart des activités humaines individuelles et collectives et nous serons amenés par la force des choses à revoir nos façons de répondre à nos questions, de résoudre nos problèmes et de combler nos désirs.
L’ennui, l’erreur (si on s’en sert pour construire), l’humour, l’errance, les interdictions… mais aussi le copiage, les références, les alternatives déjà proposées, expérienciées par d’autres vont nous ouvrir les yeux pour inventer. De « comment faire caca » à « comment gouverner » il existe des alternatives à ces questions si fondamentales, nous allons nous les approprier et inventer de nouvelles pratiques. Nous allons forcément revoir nos façons de voyager, de manger, de faire nos courses, d’envisager nos relations sociales, de diriger, d’organiser le travail, de se laver, d’apprendre, d’enseigner, de faire commerce, de prier, de passer nos soirées, de communiquer, de jouer, de circuler, de nous soigner…
Nous allons, par la force des choses envisager les choses autrement, entrer dans un paradigme de la créativité. Souhaitons-le collectif.
N’entendez évidement pas cette petite bafouille comme un réjouissement de ma part. Ce n’est même pas une opportunité que je vois dans ce qui nous préoccupe tou.te.s aujourd’hui (et pour combien de temps encore?), c’est juste une petite tentative ici de décrire autrement cette inattendue actualité, et de la mettre en perspective.
Coude.
Éric VdB – 16 Mars 2020